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Terroriste bienveillant - Charlie
Il doit être 22h, un truc dans le genre. Il fait froid, mon souffle fait des petits ronds dans l’air, le genre de truc qui ferait dire à Ambroise qu’il est dragon. Heureusement qu’il s’est calé devant Princesse Tutu celui là, j’ai eu la soirée de libre. Il est chou, hein, mais c’est tout, c’est juste mon patient, limite mon ami, et encore. Sors toi ces insanités de la tête, no homo putain. J’ai des valeurs moi. C’est pour ces valeurs que je me trimballe dans ce quartier de merde de Phobos de sa mère. Je me suis tapé toute la rue – et pas dans un sens sexuel hein, on va arrêter les blagues – et c’est toujours les mêmes lampadaires hésitants, clic, clac, le noir, je t’aveugle, les mêmes odeurs d’urine, les mêmes poubelles vieillissantes. Ça sent le vice.
Parlant de ça. J’arrive devant le summum du sordide, la quintessence de la bassesse, l’acmé du sale, l’apothéose de la débauche. Je stoppe l’envolée lyrique, le Shooting Star ne le mérite clairement pas. Je me rappelle d’un bouquin, d’avant le grand oubli et les jeux, un roman d’Édimbourg qui décrivait « les pires toilettes d’Écosse » ; eh bien on pourrait faire de même avec ce bar. Senteur de bière chaude et de sueur, luxure luisante, pêché exsudant. Un régal pour les yeux, l’odorat et l’ouïe – j’évoque pas la musique, si on peut lui donner ce nom, tu devines mon avis assez facilement.
Ainsi, me voilà, moi et mes petits tracts. Je viens apporter la lumière dans ce taudis. Je viens proposer aux païens de se repentir, de venir à confesse. Je tiens l’office tous les jours après le repas du midi, quand Ambroise part à la danse ou fait la sieste. Je pose quelques papiers sur le rebord d’un muret devant cet antre puis me saisis de mon fidèle rouleau de scotch, dans ma poche revolver. Je souffle sur mes doigts pour les réchauffer puis arrache un morceau de ruban adhésif avec les dents, afin d’en fixer une sur la porte du bâtiment. Parfait. « Repent sinner – THE END IS NEAR » est à présent à la vue de tous. Je souris. Puis la porte s’ouvre et je me la prend dans la gueule. Mon nez saigne. Putain de con.
CODAGE PAR AMIANTE